2 mai
Le retour à l’état zen a pris un certain temps en fin de soirée hier. Une fois posé à l’hôtel, ce n’était pas fini, mon parcours jusqu’à Moscou devait encore être finalisé, la recherche d’un logement pour ce jour également, et comme il me fallait un petit peu de temps pour redevenir zen, j’en ai profité pour publier mon post que j’avais enregistré dans le bureau de la douane. Avec tout ça, il est 1h du matin lorsque je me couche et je me demande dans quel état je serai au lever. Je m’éveille naturellement à 7h30, la nuit a été courte mais semble-t-il bonne, j’ai une tête à faire peur mais je me sens plutôt en forme, beaucoup de charge mentale est tombée.
Je prends mon petit déjeuner, je charge le vélo et je démarre. Il est 9h au lieu de 8h30 d’habitude, je ne pensais jamais démarrer si tôt. Je profite du soleil qui est là et je m’élance sur cette inconnue qu’est la route M, la M9 ici, de ce côté-ci de Moscou, une grand-route dont je ne sais trop quel sera l’état et quelles seront les possibilités de dégagement sur la droite. L’autre question est aussi de savoir comment vont fonctionner les communications, ma carte eSIM spéciale, le VPN… par précaution j’ai enregistré mon itinéraire en offline et j’ai bien repéré l’endroit où j’ai envoyé un email pour être hébergé ce soir. Au final c’est très bon pour les deux, les communications fonctionnent et d’autre part la route M est parfaite, un vrai billard avec des dégagements plus ou moins larges, parfois je peux y mettre le vélo entier, parfois pas mais j’ai quand même un large dégagement qui me permet de n’avoir que la roue gauche devant la lugne blanche latérale. La lenteur de la douane a du bon, il me faut 10 km pour être enfin dépassé par un véhicule sans doute libéré par les douaniers quelques minutes plus tôt. Cette route est vraiment peu fréquentée mais on y roule vite, très vite, je surveille donc mes rétroviseurs et je suis très content d’en avoir 4 à ma disposition. Lorsque personne ne vient en face tous les automobilistes, voitures et camions dégagent complètement sur la bande de gauche. Quand il y en a en face ils ont un peu plus de mal à ralentir mais je les tasse le plus possible vers le milieu de la route et puis je m’engage à droite pour leur ouvrir la porte. Ce matin il n’y a pratiquement pas de vent, c’est une journée parfaite et j’avance à un bon rythme. Petite pause au tiers de l’étape au 35ème kilomètre, pause plus importante au deux tiers au 70ème kilomètre, c’est le temps de midi. C’est aussi le moment où je vois la première maison au bord de la route, jusque là on a traversé que des bois et des champs. Mais, a intervalle regulier, une indication pour un mémorial de la guerre de 40.
A la pause M. Zen fait une petite escapade et va s’installer dans l’abribus (dont on se demande à qui il sert) où je prends mon repas.
L’étonnement du jour c’est l’enthousiasme des russes sur mon passage. Il y a ceux qui me dépassent lentement en voiture en filmant, ceux qui s’arrêtent pour me filmer, ceux qui sont devant chez eux et qui filment également et tout le monde m’envoie des messages que je ressens comme positifs. A la pause un jeune homme en Lada s’arrête et vient me féliciter. Un peu plus loin un autre me propose du café, ça vaut bien un selfie. Puis tout d’un coup je vois dans mes rétroviseurs arriver un bolide blanc. J’ai l’impression qu’on est en train de tourner un nouvel épisode de Taxi. Il me dépasse, pas très au large d’ailleurs, puis tout d’un coup se met à piler sur les freins, à se mettre sur le côté, mettant deux roues dans la partie gravel du bas côté, ce qui déclenche un nuage de poussière. Il sort de la voiture, il ouvre le coffre, il en sort un appareil photo. Il flashe et quand je passe à côté, lève les deux pouces, applaudit et me dit des choses qui ont l’air positives.
Cette journée se passe de façon idyllique. Il est très tôt lorsque je quitte la grande route pour rejoindre mon hébergement. J’ai une nouvelle fois hésité car les conditions permettraient d’atteindre au moins 150 km aujourd’hui, mais je sens quand même le contre-coup de la journée d’hier et je décide d’être raisonnable et de prendre du repos. C’est un petit hôtel à côté d’un lac, un de plus, parce qu’en fait le paysage n’est pas très différent de ce qu’il était en Lettonie. Des lacs, encore l’une ou l’autre cigogne et des bois à perte de vue. Je me pose donc dans une immense chambre avec salon, tandis que le vélo fait une recharge complète. On annonce un peu de pluie cette nuit, mais il sera mis à l’abri afin de pouvoir repartir demain.
Demain ce sera une autre aventure. Je n’identifie pas de logement après 100 ou 120 km. Il va peut-être pour la première fois falloir improviser, sonner aux portes ou sortir la tente. On verra bien, à moins qu’un motel non répertorié se trouve sur ma route. C’est vrai que comme l’avait annoncé Stéphane Maillard, le français qui a traversé la Russie il y a quelques années, il y a un motel tous les 30-35 km, et peut-être sera-ce le cas demain.
Mais demain est un autre jour, pendant lequel devraient continuer à défiler, toutes les deux minutes et demi un panneau annonçant la distance jusqu’à Moscou. Aujourd’hui 514 !
Photos sur Bike2Shanghai by Claude BROUIR | Polarsteps