Le vase déborde

17 mai.

La nuit dans le centre pour sans-abri s’est bien passée malgré la faible épaisseur du matelas posé directement sur une planche en bois. Après le petit déjeuner, où je déguste une spécialité tarare, les « sweet spaghetti », tout s’installe pour une cérémonie qui consiste en un départ pour un groupe de cyclistes qui arrivent petit à petit. Je suis interviewé par la télévision locale et par l’organisation. Après une photo de groupe, on se met en route. Je m’étonne qu’alors que lors des masses critiques en Europe, tous les cyclistes occupent les voies de circulation routières, ici on passe de trottoir en trottoir. Ildus m’indique que les enfants de moins de 14 ans ne peuvent pas aller sur la route à vélo. Dès lors, comme il y a quelques petits avec nous, nous devons passer par les trottoirs. Après plusieurs hésitations, voilà qu’on se trouve dans une route complètement défoncée. Je fais quelques dizaines de mètres mais ce revêtement ne me convient pas du tout. Je charge le vélo une première fois dans un des véhicules balais jusqu’à ce qu’on rejoigne une route asphaltée et où je puisse redémarrer. Après quelques temps, rebelote. Après consultation de riverain, il semblerait que la mauvaise qualité de cette route va se poursuivre jusque bien loin, presque à notre point d’arrivée. Dès lors, je fais demi-tour et j’indique que je n’irai pas plus loin et que je rentre au centre. Les organisateurs ne veulent absolument pas me laisser partir. Ils me proposent une nouvelle fois de charger le vélo dans une camionnette-balai. Malheureusement, il n’y a pas de sangle et donc je finis par m’installer dans le fourgon pour surveiller le vélo qui fait des bonds à l’intérieur de la camionnette tant le revêtement est mauvais. Cela dure une éternité avant de rejoindre une route carrossable et d’arriver à destination.

Je n’étais pas prêt mentalement à cette épreuve. Jusque là, à chaque fois qu’il y avait un problème, je prenais du recul, j’envisageais une solution et on la mettait en oeuvre. Ici, c’était trop, c’était inattendu, ça devait être un jour de repos. Cela se transforme en une épreuve. Une fois arrivé, je laisse éclater ma colère et je pète un plomb. Ildus assume la responsabilité du mauvais revêtement. Si j’avais su, j’aurais laissé mon vélo au centre et j’aurais plutôt pris un VTT pour accompagner le groupe. Je me mets un peu à l’écart pour prendre le temps de me calmer et je rejoins dès lors la distribution des prix. La majorité des cyclistes ici ont fait le trajet sur un vélo qui a été loué. Pour la plupart, ils n’avaient jamais fait plus de 10 km alors qu’aujourd’hui ils en ont fait 40. Ils reçoivent donc un beau certificat pour les apprentis cyclistes qu’ils sont devenus. Je suis invité à prendre la parole et demande a être excusé pour mon coup de colère. Peut-etre ai-je sous-estimé la fatigue accumulée.

Retour en camionnette jusqu’au centre. Puis 8 km à vélo pour rejoindre le petit paradis d’Ildur. Une grande maison au bord d’un lac avec deux dépendances. Une pour les réunions de Rotary, l’autre pour les hôtes Warmshowers où je suis installé.

Je suis ensuite invité à prendre le repas avec Ildur et son épouse. Je découvre ainsi d’autres facettes de sa vie. Son grand voyage à vélo qui a duré 17 mois, 25 000 km et un tour du monde complet. Son goût pour les spécialités locales, pour toutes sortes de décorations autour du thème du vélo et ses militances. Nous passons ensemble une belle soirée avant que je rejoigne mes quartiers.

Et évidemment, comble de la vexation, comme ce soir je n’ai pas d’obligation demain matin et que j’ai le temps, l’Union Saint-Gilloise a pris un avantage rapide et décisif sur l’Antwerp, ce qui me dispense d’aller jusqu’au bout du match

Demain, premier jour de vrai repos à Kazan.

Photos sur Polarsteps


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