Dure reprise…

3 juin

C’est la reprise après la grande interruption à Ufa. Après ma toute petite nuit de dimanche à lundi, je me suis endormi à Kurgan dès 21h, jusque 6h30. J’espère que mes batteries personnelles seront suffisamment rechargées. Je me prépare a quitter cet hôtel particulier qui est commun avec un garage automobile. Son nom est Paddock et chaque chambre porte le nom d’un circuit de formule 1. Ma chambre n’est pas celle de Spa-Francorchamps, chambre 32 qui était occupée, dès lors on m’a donné le circuit de Singapour à la chambre 33. On fait quelques photos avec les patrons et c’est le départ à 8h30.

Il faut s’y remettre et ce n’est pas simple. J’ai donc de grandes conversations avec monsieur Zen, je sens que je ne suis pas serein. Et nous discutons des livres d’Eckert Tollé sur les moyens de faire taire le mental pour ramener au moment présent. Mais le mental galope. Et si, et si, et si, et si la route était mauvaise, et si l’étape que j’ai prévue était trop longue, et s’il y avait des orages, et si, et si, mais rien ne sert de se projeter, il faut aller mètre après mètre.

Je sors de la ville en faisant une infidélité à Komoot pour être sûr de rester sur une grande route, ça vaudra un petit rab de kilomètres. Puis je suis sur la grande route, elle est en bon état et elle a l’air de ne pas être trop fréquentée, je suis plutôt rassuré. Deux personnes m’ont déjà arrêté sur ma route dans Kurgan, voilà qu’un troisième se trouve sur le bord de la route, me fait comprendre qu’il tient un blog et nous fait donc un petit live, avant de me laisser repartir. Un peu plus loin, un 4×4 est arrêté, à mon passage sort le conducteur, il essaye de me faire comprendre quelque chose avec force gestes, je comprends « Hourra gagne », je pense qu’il parle de l’Union St Gilloise, mais en fait non, il me dit ouragann. Ouragan, voilà autre chose. J’ai vu qu’il y avait avis de tempête pour l’après-midi, avec des orages, mais avant 10 heures du matin, je ne vois aucun signe négatif, je poursuis donc ma route. On n’échappe évidemment pas à quelques tronçons très mauvais, où même les camions font du slalom sur la route. Ces camions, je les vois bien s’écarter et je me rends compte en fait que le nouvel éclairage qui a été placé a l’air de faire son effet, je ne me remercierai jamais assez le vélociste de Veloterra à Ufa. Au début, j’ai l’impression de ne pas avancer, et puis j’affiche la page du dénivelé sur Komoot, je me rends compte que les 15 premiers kilomètres sont en montée, et que plus loin je vais retrouver du plat. Je suis aussi rassuré par cette info. Par contre, il y a un élément qui lui sera constant tout au long de l’étape, le vent. Il est contraire, et autant quand il est caché par des arbres ou par des camions, je bondis de 3 à 4 km heure, autant quand je le prends en pleine poire, j’ai l’impression de faire du surplace à 20 ou 21 km heure. On est bien dans la plaine de Sibérie. C’est plat à gauche et à droite, avec des champs, des bosquets. Parfois, je vois sur ma carte qu’il y a des marécages. Ici aussi du gaz, avec une torchère qui émet un grand sifflement. Je dois composer avec un élément nouveau, l’apparition des insectes. Ceux-ci tournent autour de moi, autour du vélo régulièrement. À un moment donné, j’ai une espèce de guêpe en gros plan. Elle est à l’intérieur de la visière de mon casque. J’ouvre cette visière doucement, et l’animal s’en va. Plus loin, je sens quelque chose dans mon dos. Je m’arrête, je fais le plus doucement possible, et j’ouvre complètement mon maillot. Je vois effectivement un insecte qui s’en va. Je veille donc à refermer celui-ci le plus fort possible. Et je remets une coucge de répulsif.. Cette nationale n’a pratiquement pas de village traversé, ni de station service.J’ai déjà 65 km au compteur lorsque je m’arrête dans un abribus pour manger. Heureusement, j’ai des provisions. Les nuages noirs s’installent dans le ciel. Ils passent derrière moi ou devant moi. Ils envoient un peu de pluie. Le vent se renforce un peu, ce qui n’est pas pour améliorer ma moyenne. Il m’oblige à pousser un peu plus fort. En fait, il n’y aura pas d’orage. Et à un moment donné, je repasse devant les nuages noirs. J’ai maintenant du soleil à nouveau, et je peux pousser un peu moins. Je surveille les batteries qui se vident de manière importante. Puis enfin, au kilomètre 120, je trouve un combiné station service motel café. Un latté et une petite glace de réconfort. Mais je me suis rendu compte en sortant du vélo que mes jambes ont trinqué. Je réfléchis. Je me dis qu’il reste 10 km sur la grande route, puis 5 km à droite. Il faudra les refaire demain matin. Si je reste ici, il n’y aura que 5 km de plus que ce que j’avais prévu. Je demande donc à réserver une chambre. Mais on me dit que le motel est complet. Il faut donc me remettre en route. Nouvelle grande conversation avec M. Zen. Le vent est un petit peu moins fort, mais je dois quand même envoyer des watts. Parce que je sens que mes jambes sont loin. J’arrive au rond-point où la route principale part à gauche pour aller à Omsk sans sortir du pays. Tandis que devant, il y a la route vers le Kazakhstan que je vais prendre demain. Et à droite, la route vers le village. Je me dis, allez, plus que 5 km. Sauf que la route a été arrachée sur 3 des 5. Donc un peu pénible. J’arrive enfin à l’hôtel qui a été réservé le matin par la tenancière de l’hôtel que je quittais. Deux femmes sont sous la pergola en train de fumer leur clope. Et elles m’indiquent qu’il n’y a pas de place. Parce que ceux qui devaient partir ne sont pas partis. Elles m’indiquent d’aller dans un autre hôtel à 1 km de là. Je leur fais savoir mon mécontentement. Et je leur demande d’appeler l’autre hôtel pour s’assurer qu’il y a de la place. C’est le cas. Je les quitte en prenant ostensiblement une photo de l’établissement et en indiquant que je leur ferai un commentaire salé. Et je termine par quelques jurons en français qu’elles ne comprendront pas mais qui me font du bien. J’arrive donc au deuxième hôtel où je peux enfin m’installer. Je suis au bout de ma vie. Je commence par des étirements, par une très longue douche et de nouveau des étirements. Et puis j’abuse du Voltaren Emugel. Ce soir, je ferai l’effort de descendre jusqu’au vélo qui a été mis en charge immédiatement, vu que l’état des batteries n’est pas beaucoup meilleur qu’à mon arrivée à Nizhny Novgorod. Pour aller chercher de quoi manger. Hors de question d’aller plus loin. Omsk en 4 jours d’à peu près 130 km était sans doute un peu prétentieux, surtout après 7 jours sans rouler. Même en se basant sur l’absence de dénivelé. On verra demain si on garde ce rythme là ou si on prévoit un jour de plus. En sacrifiant le jour de repos à Omsk. Demain est un autre jour.

Photos sur Polarsteps


Commentaires

4 réponses à “Dure reprise…”

  1. Courage Claude, chaque kilomètre avalé te rapproche de ta destination 🙂
    Ca aurait pu être pire, si tu avais été pris dans les orages!
    Chaque jour, tu nous tiens en haleine, et c’est avec impatience qu’on attend le prochain billet de blog.

  2. Avatar de Stéphane Maillard
    Stéphane Maillard

    Bonjour Claude, quand on te dit qu’il n’y a plus de place dans un hôtel tu devrais insister : il y a presque toujours des chambres partagées où tu peux trouver un lit (obshchaya komnata) 🤗.
    J’espère que le gel Voltaren a été efficace 😎. Bonne route !

  3. Avatar de Benoît Dive
    Benoît Dive

    Ce récit est haletant.
    Mais … tu as le temps, non ?
    Le temps de te retaper et de nous faire vivre par ton récit, encore ces incroyables aventures .
    Je retiens de ce 3 juin ce rapprochement entre un ouragan ….
    et l’union Saint Gilloise.
    Hum.
    Allez, un peu de repos et courage pour la suite.
    Continue à nous faire découvrir ce peuple russe que nous connaissons si mal.
    Nb: ce soir, j’étais en voiture avec un Bulgare qui a un cousin russe . Je lui ai parlé de toi , il m’a dit : ah, c’est le mec qu’on a vu à la télé ?
    Chapeau !
    S’en est suivie une longue conversation ( nous revenions du Luxembourg) sur le peuple russe puis sur ces gens qui quittent tout provisoirement pour accomplir un exploit.
    Continue à nous faire vibrer !
    Bises de Haillot 😀

  4. Avatar de Alain Trussart
    Alain Trussart

    Quel conteur tu es. Courage Claude. C’est sept jours d’étape a Ufa qui était sans doute long pour ton corps. Monsieur Zen te conseille ouf. Amitiés et énergie

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