6 juin, jour de la Saint-Claude.
Hier soir, cette nouvelle heure de décalage horaire m’a un peu perturbé. Je suis sorti trop tard pour trouver un endroit où me restaurer, et j’ai dû me rabattre sur un supermarché ouvert jusqu’à 22h. Quelques appels avec la Belgique, dont Pierre Wiame, le journaliste de l’Avenir qui prévoit un nouvel article. Je me couche assez tard, il fait chaud dans la chambre, je m’éveille plusieurs fois, et puis je me lève une heure plus tôt. Bref, je suis un peu au radar ce matin.
Je découvre un message e-mail d’un certain Vit, un Russe. C’est le cyclo-voyageur qui se trouvait dans l’abribus il y a deux jours. Il m’a retrouvé. Il espère que je n’ai pas été trop mouillé. Il me donne les coordonnées de son blog sur Telegram , et je découvre une vidéo où il m’a filmé, et celle de l’orage qui s’est déchaîné sur l’abribus où il était. Je traduis le commentaire, et je découvre qu’il parle d’un grand-père. Je n’ai pas de problème avec ça, puisque c’est le cas depuis que, pour Félix et pour Emma, je suis papy Claudy. Mais je me demande surtout comment, à 20 mètres, en passant vite sous la pluie et avec mon casque, il a pu le savoir. Ça se voit donc tant que ça ? L’explication se trouve dans le fait qu’il a eu un échange avec les douaniers, où il est passé après moi, qu’il a su un peu plus qui j’étais.
À huit heures et demie, je suis en route. Je sais que j’aurai cinq kilomètres contre le vent pour arriver au carrefour avant de prendre la Nationale. Je m’arrête dans la station-service, la même qu’hier, au coin, et je prends mon petit déjeuner. Je m’élance ensuite. La route est parfaite, le ciel est tout bleu, le vent vient de ma gauche, et suivant que je suis un peu sud ou un peu nord, il est un peu portant ou un peu contraire. J’avance bien. J’ai prévu un arrêt au kilomètre 40-41 par là, notamment pour remettre du répulsif insectes, parce que depuis le kilomètre 25, ceux-ci sont arrivés. Un panneau annonce une station-service au kilomètre 48. Je me dis que je vais attendre jusque là pour m’arrêter. Malheureusement, de station-service, il ne sera pas question, et c’est au kilomètre 53 que je m’arrête enfin. Je bois, je me restaure, je fais quelques étirements, je marche, et je me remets en route. À un moment donné, revoilà les insectes. Je veux mettre la main sur mon répulsif. Pour l’avoir sous la main tout le temps, je l’ai glissé sous mon maillot, par en dessous. Merde, il n’est plus là. J’ouvre ma sacoche à gauche, je ne le vois pas. Je me rends compte que j’ai dû le perdre à mon premier arrêt. Voilà qui change la donne, il reste la moitié de l’étape. Ça risque de bagarrer ferme avec les insectes. Une famille, des parents et deux petites filles m’arrêtent, et je leur demande s’ils n’ont pas de répulsif insecte. Comme mon GSM est occupé par la navigation, où je ne sais pas me servir du traducteur, je montre donc que je cherche un pchit-pchit contre les pics-pics. Ils n’ont pas ça sous la main. Je continue ma route, un peu plus loin cette fois-ci, c’est un père et sa fille qui m’arrêtent de la même manière. Le père s’évertue à me parler en russe, et prend finalement un ton comme si en fait c’était simple à comprendre. Je fais la même demande. Il me dit qu’il en a un, il retourne à la voiture, mais après avoir tout retourné, il revient bredouille. Je continue ma route, et ce ne sera qu’au kilomètre 95 que je trouverai une nouvelle station service. Avant cela, c’est le même paysage, tout plat, des champs, des bosquets, et de temps en temps un petit air de Camargue, avec de grandes étendues d’eau à gauche ou à droite. Mais 90 kms sans le moindre bâtiment ! Il est dans les 13 heures, je vais me restaurer, et essayer de trouver du répulsif insecte. J’ouvre ma sacoche pour prendre mon portefeuille, et qui y a-t-il à côté du portefeuille ? Mon répulsif insectes. Je demande à M. Zen si je ne suis pas un peu perturbé aujourd’hui… je n’ai pas de réponse. Je prends le temps dans cette station, je mange, je bois, je me repose, je m’offre une petite glace, et je peux prendre enfin la photo d’un véhicule qu’on trouve partout et tout le temps, une espèce de camionnette haute sur patte, qui est déclinée dans toutes les formes, pour servir à tout, au service d’ambulance, au service de police, pour du transport de personnes, pour du transport de marchandises, pour des entreprises: c’est le modèle le plus courant. En quittant la station, où j’ai reçu des tonnes de messages suite à la parution de l’article dans l’Avenir, il reste une cinquantaine de kilomètres, et je sais que ça va être un peu plus sport à partir de maintenant. Effectivement, cette nationale toute droite, c’est deux bandes larges, et un petit dégagement de 30-40 centimètres. Je dois prendre ma place sur la bande, ne surtout pas laisser de quoi me dépasser, jouer du clignotant à gauche pour faire comprendre le message, s’il n’y a rien en face, les véhicules dégagent complètement sur la bande en sens inverse, s’il y a du monde en face, ils ralentissent, et c’est moi qui ouvre la porte, quand le passage est possible. C’est la recette qui fonctionne bien depuis le début, et je l’utilise de nouveau aujourd’hui. A l’entrée de Omsk, à un moment donné, il y a une seule bande, avec une balustrade à gauche, et ce petit dégagement à droite. Là, je suis obligé d’occuper le milieu de la bande, pour empêcher toute veilléité de dépassement. Cela énerve un conducteur de bus, et puis un chauffeur de camion, mais je n’en ai cure. Il est hors de question que je sorte dans les graviers pour leur permettre de passer. Mon trajet se poursuit jusqu’en ville, dans une circulation suffisamment dense pour qu’elle soit au ralenti. Je m’oriente vers le logement du jour, et voilà que ce chemin-là passe par une propriété privée. Il y a une barrière, j’attends qu’une voiture sorte, je rentre dedans, j’arrive au bout, il faut en sortir, je suis bloqué par une autre barrière, j’attends qu’une voiture arrive, et je sors. Je rejoins ainsi le logement d’Alexei Stepanenko, qui est la personne qui a logé Stéphane Maillard, le français qui a fait le même voyage en 2018 et qui nous a mis en relation. Je suis reçu par lui, sa femme et son petit garçon, et il a demandé à un ami à disposer de son garage, pour mettre le vélo en sécurité. Je peux même y faire une recharge. Mes hôtes doivent s’absenter pendant deux heures, ils me confient donc l’appartement, je peux prendre ma douche, lancer une lessive, et faire tout ce que j’ai à faire avant qu’ils ne rentrent. Entre temps, l’autre contact de Stéphane à Omsk, Eldar a pris contact avec moi, c’est le patron d’un magasin de vélo, il est en Suisse, ses collègues seront là demain, et je pourrai donc y passer pour régler quelques soucis mineurs, qui devraient me permettre d’être tout à fait en ordre pour repartir vers le Kazakhstan, après demain, puisque demain ce sera bien jour de congé, puisque j’ai fait une semaine de quatre jours, avec 584 kilomètres au compteur, soit presque 150 pour chacun des quatre jours. Et demain, pour changer, il y a un événement à Omsk, une masse critique à laquelle je participerai.
J’ai aussi des nouvelles d’Anton Sazonov, qui pédale dans les Monts Oural.
Plus que deux jours à rouler en Russie.
Photos sur Polarsteps
Commentaires
3 réponses à “584 kms en 4 jours, check !”
Merci pour tes posts, courage , prends soin de toi
Salut Claude, comme tu fais des bons commentaires.
Un vrai manuel du voyageur ,félicitations
,bonne continuation ,
Bart
Toujours un plaisir de te lire. Il me tarde de te revoir lors d’une soirée ping afin que tu nous racontes tout ça de vive voix. Courage pour la suite et merci de partager ta magnifique aventure. Prends soin de toi.