30 juin.
Hier soir, il y avait un peu d’excitation à l’idée de la fameuse journée qui m’attend ce lundi. Néanmoins, et malgré que le lit est archi mauvais, ce que j’atténue en ajoutant le matelas Ikea de l’autre lit, je m’endors à 22h30. Ayant remarqué la mauvaise insonorisation des cloisons, j’ai mis mes bouchons d’oreilles. Cela n’empêche qu’à 2h du matin, je suis éveillé. Il y a visiblement beaucoup de monde dans la chambre à côté, et ça discute sans aucun respect pour les voisins. Je sors, au même moment qu’un des participants, je lui fais comprendre que je souhaiterais dormir. Il joint les mains deux fois et salue comme pour s’excuser et dire que ça ne continuera pas. Mais ça ne fait que s’amplifier. Ce n’est qu’à 3h30 que je parviens à me rendormir en poussant les bouchons d’oreilles au plus loin. Nouvel éveil au sursaut à 5h. Là, ce n’est plus des discussions, ce sont des cris, des plaintes et même, j’ai l’impression, des coups. Je veux sortir de la chambre, puisque les toilettes sont dans le couloir, mais le gardien de l’hôtel, si on peut appeler ça un hôtel, est en train de parlementer à la porte de la chambre des voisins et il me fait signe de rentrer dans la mienne. Je m’exécute et je transforme une bouteille en plastique vide pour pouvoir me soulager. Au bout d’une heure, le bruit diminue. Il est 6h, je parviens à me rendormir, trois quarts d’heure. Il n’est donc pas 7h lorsque je me lève et bien sûr, dans la chambre à côté, à ce moment, on scie du bois avec des lames à grosses dents. Je place toutes mes sacoches sur le vélo et je ne demande pas mon reste, sous les yeux penauds du gardien de l’hôtel. Il me demande par gestes si je vais à gauche ou à droite et lorsque je lui réponds, j’entends ce qui sera le dernier « Kitay ! Ooooh ! » Kitay en russe voulant dire « Chine ». Depuis deux mois que je suis entré en Russie puis au Kazakhstan, ma destination finale provoque la même exclamation. « Oh » ou « Oh oh » ou un « non » de la tête. Pour les Russes et les Kazakhs, proches entre eux par leur histoire commune, leur langue commune, la Chine c’est « de l’autre côté du mur ».
J’avance à bonne allure, malgré qu’aujourd’hui il y ait un peu de dénivelé et je n’accepte de m’arrêter que lorsqu’il y a des voitures dont sont sortis des occupants qui tiennent une bouteille à la main. Je renouvelle ainsi plusieurs fois mon stock d’eau. Je passe devant un nouveau cimetière qui montre qu’ici la seule religion restante est la religion musulmane. Je passe devant une usine dont je suis content que le vent rejette la fumée noire de la cheminée loin de la route. Et après deux heures, j’arrive à Bakhti village que je traverse pour me rendre au poste frontière.
Là, voilà que les Kazakhs me refont le coup des Lettons. Hors de question de passer à vélo, il faut me rendre à la gare routière et prendre un bus. Je vois mal mon vélo monter dans un bus. Dès lors, je prends contact avec les autorités Kazakhs, l’ambassade à Bruxelles et le ministère des affaires étrangères kazakh qui m’accompagne, au moment où arrivent les deux chefs, prévenus par les trois jeunes qui sont de planton. Ils rigolent et le plus gradé des deux veut faire une photo assis dans mon siège. Moi je ne rigole pas et je lui dis que quand j’aurai mon autorisation, on fera des photos. Ils me demandent dix minutes et s’en vont. Entre temps, le ministère des affaires étrangères kazakh a appelé. Les deux sbires reviennent: ce qui était impossible il y a une demi-heure, est dorénavant possible, je peux traverser à vélo. Mieux, une fois passé la guérite d’entrée, un véhicule vient à ma rencontre et m’escorte jusqu’au contrôle des passeports, qui est en fait le terminus des autobus emmenant les piétons. Puis j’ai un rapide contrôle de douane, et je me retrouve à la guérite de sortie. Je suis donc en zone neutre. La douane chinoise est juste là devant. Comme d’habitude, je sais que ce sera guérite d’entrée, contrôle des passeports, passage à la douane, guérite de sortie. Ici, ce sera un peu plus long. On m’envoie d’un bâtiment à l’autre, avant de me faire revenir au premier, et finalement, je suis appelé pour le contrôle des passeports. Ça a l’air laborieux, mais je finis par avoir le précieux tampon, après que l’ensemble de mes sacs aient été ouverts et contrôlés. Je passe ensuite encore trois contrôles, et je me trouve enfin hors de la douane. Il est 17h30, heure locale, parce que j’ai pris trois heures de décalage horaire d’un coup ce matin: en vue la frontière, je regzrde l’heure: 9h54. Quelques minutes plus tard, il est 13h !
Je fais mes premiers tours de roue en Chine, et là je suis tout à coup submergé par l’émotion. Il y a bien sûr l’accumulation de la fatigue de la nuit, de la chaleur de la journée, des procédures qui peuvent sembler interminables, et puis la prise de conscience que je suis aujourd’hui dans le pays qui est ma destination finale, ce qui me laisse moi-même pantois. Je pleure comme un gamin.
Puis je me remets en route pour rejoindre l’hôtel qui a été sélectionné par Sam Peng, un hôtel Hampton by Hilton, excusez du peu. Entre ce matin et ce soir, la différence de chambre, de douche, de WC, entre le motel au Kazakhstan et l’hôtel en Chine, est impressionnante. Ce matin, je regardais la cabane au fond du jardin, qui a une forme originale au Kazakhstan. Ce soir, je reçois mon repas takeaway, servi par un robot à la porte de ma chambre. Je pressentais qu’on allait basculer dans un autre monde que j’avais un peu découvert en novembre dernier. Énorme changement, changement de langue, changement d’alphabet. Désormais, la messagerie, c’est WeChat. Les paiements, c’est Alipay. L’adaptateur de prise de courant change. Je ne suis pas mécontent d’avoir prévu un jour de repos demain pour faire toutes les adaptations et les ajustements.
Et puis, le sentiment que j’avais eu en novembre 2024 d’un pays en terrible développement m’est apparu dès ces premiers 20 kilomètres roulés en Chine. Partout, du développement de noyaux d’habitat, de zones d’entreprises, de nouvelles routes. La Chine est un chantier géant qui avance à pas rapides
.Et puis, de nouveaux contacts se prennent. J’ai déjà un rendez-vous presse demain à 11h à la demande des autorités de Tacheng.
Demain, je retrouve Sam et je me réjouis.
Photos sur Polarsteps
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