Le plus profond du Henan

14 août

La météo annonce un temps couvert, mais sans doute pas de pluie. Je décide donc de poursuivre ma route avec une motivation supplémentaire, quitter cet hôtel au plus vite. En effet, c’était une mauvaise pioche. Choisi car étant le seul qui, au niveau des critères, indiquait chambre non-fumeur. C’était en fait faux, et l’hôtel était vieux et sale. Le paillasson dans l’ascenseur donnait déjà une indication. Les chambres étaient vieillottes, avec un vieux tapis-plain, où il valait mieux ne pas marcher à pieds nus. Avec des sanitaires d’un autre âge. Hier, en sortant de ma chambre, avant que la lumière du couloir s’allume, j’ai eu l’impression d’être frôlé par quelque chose. Effectivement, à la lumière, il s’avère qu’il y a dans ce couloir du sixième étage, une chauve-souris, qui après avoir tournoyé au bout, est allé se cacher dans les tentures. C’est donc sans regret que je m’en vais. Mais j’ai à peine amené le vélo qui était sous-abri, que voilà que la pluie arrive. C’est bizarre, il y a 26 degrés, mais il fait très humide, ce qui donne une impression de température plus élevée. Il y a beaucoup de nuages dans le ciel, mais aussi des endroits où le soleil passe, et c’est bizarre d’avoir cette pluie chaude. Néanmoins, une fois le vélo chargé, je décampe de là. Je reste quelques minutes sous un arbre, et voilà que la pluie s’est arrêtée, je peux m’élancer. Je commence par la route provinciale 316, qui a un large dégagement sur le côté. Mais très vite, voilà que la pluie revient. Je me réfugie sous un pont, et je ne suis pas le seul, il y a toute une famille en face, dans une moto-benne. Je mets mon grand équipement de pluie. Mais de nouveau, cela ne dure que quelques minutes, et je peux me remettre en route. Bien sûr, il y a des flaques à éviter, mais la route sèche assez vite. Deux kilomètres plus loin, il semble même qu’il n’y a pas eu de pluie ici. Ce sont donc des pluies très localisées.

Très vite, après être sorti de la ville, je retrouve ce décor pauvre de cette partie de la province du Henan, qu’Alicia m’a indiqué être la plus pauvre de la Chine. Beaucoup plus qu’ailleurs, on voit des gens désœuvrés, pas seulement des papis et des mamies autour des tables de jeux, mais aussi des plus jeunes. C’est le même cadre qu’hier, avec des logements, des commerces, des ateliers, mais très pauvres, dans un environnement très sale, et un capharnaüm d’objets en tout genre, qui traînent de tous les côtés. La pauvreté se marque aussi par la découverte d’un logement de fortune à l’entrée d’un champ, ou de ces personnes qui fouillent les poubelles en profondeur, pour y retrouver quelques objets de valeur.

Assez vite, on tourne à droite, sur la route 098. C’est également une deux voies, mais cette fois-ci, il n’y a plus de dégagement. Il faut occuper la bande de circulation. Heureusement, il ne pleut plus, mais j’ai quand même gardé mes cirés. C’est un peu étouffant, avec ce temps très humide, et la température qui monte, pour atteindre 30 degrés. Le trajet se poursuit, avec la traversée de villages, et toujours ce même contexte. Parfois, il y a du sable ou du gravier, qui a été déposé pour des chantiers, et qui déborde sur la route. Des personnes âgées, ou handicapées, se promènent.

À hauteur du village de Niezhuang, je dois faire une transition, pour retrouver une autre grande route, qui doit m’emmener à ma destination. Le GPS vélos m’envoie alors dans des routes de cœur de village, souvent en très mauvais état, et elles aussi, jonchées de détritus. La traversée des villages est d’ailleurs sportive. Dans l’un d’entre eux, la circulation, dans les deux sens, est importante, et un petit camion, qui a décidé qu’il était encore plus pressé que les autres, klaxonne copieusement, en espérant faire bouger tout le monde. Néanmoins, il est tellement poussif, qu’après avoir fait cela, il est incapable de prendre de la vitesse. En tout cas, je me souviendrai du coup de klaxon qu’il a donné, lorsqu’il était juste à ma hauteur, sans raison. Je suis sur la Zhesui Road, qui n’a pas de dégagement non plus, et le décor assez sinistre va continuer.

Le temps se maintient au sec, j’enlève mon équipement de pluie… et je ne m’arrête quasi pas. De toute façon, les stations-service, qui sont mes habituels endroits de pause, sont dans le même état que le reste. La piste est en très mauvais état, et de loin, je peux voir l’intérieur du shop, qui est là aussi un vrai capharnaüm, et où, à coup sûr, je ne trouverai pas ce que je souhaite. Je ne m’y arrête donc pas.

Mais pendant tous ces kilomètres parcourus aujourd’hui, le pire n’aura pas été ce que j’ai vu, qui est déjà assez triste, mais c’est l’odeur. Avec la pluie qui est tombée cette nuit, et encore un peu par endroit ce matin, cela donne une odeur particulière à la route, à la terre, mais quand on y ajoute les fossés ouverts, les tas de détritus qui ont été mouillés et qui coulent, cela fait un mélange, qui à un certain moment donne des hauts le cœur.

Les pratiques sur la route sont encore plus sauvages que d’habitude. Il y a bien sûr ceux qui encombrent complètement le dégagement, mais ça c’est encore compréhensible, mais aussi ceux qui se garent n’importe où, sur la route, nationale ou pas. Je me suis ainsi trouvé face à un scooter rangé transversalement sur la bande de circulation, pendant que sa conductrice s’arrêtait à une échoppe d’un ambulant. Une fois de plus, je vois une entrée de la G30, cette autoroute qui va de Pékin jusque tout a l’ouest, et qui m’aura accompagné tout mon voyage.

Les relations avec les Chinois sont encore plus particulières aujourd’hui. Cette population, vraisemblablement très peu éduquée, réagit de façon un peu primitive. Et puis il y a toujours ces voitures qui s’arrêtent, puis qui redémarrent, qui me suivent, dont les occupants ne s’adressent pas à moi, mais qui me filment derrière des vitres teintées. Ou cet autobus qui, lorsque je l’ai dépassé à un arrêt, a vu son chauffeur véritablement hurler en ma direction, ce qui m’a fait sursauter, avant qu’il me suive, pendant plusieurs kilomètres, peu tracassé de sa vitesse commerciale, puis me dépasse avec plusieurs passagers aux fenêtres à droite m’observant comme une bête curieuse.

Le temps se maintient au beau, et je suis sur un terrain complètement plat. Il y a juste que le vent est contraire, de face. Je profite donc d’une moto-benne qui va juste à ma vitesse, un peu plus de 30 km heure, pour la laisser me couper le vent.

Je termine quand même sur une note positive, après cette journée particulière. Quelques kilomètres avant d’entrer en ville, au bout de 81 bornes, je découvre quelques logements neufs sur ma gauche.

Il est 13h30 lorsque je me pose dans un hôtel récent mais pas dénué de problèmes, électriques dans ce cas. Ce qui me vaut deux changements de chambre.

Pendant ce temps David et Zheng, après avoir pris la pluie a Kaifeng ont récupéré le chargeur a Qixian. Ils sont a ma poursuite…

Photo sur Polarsteps.