28 juin
Avec le traitement médicamenteux commencé dès mercredi soir, les progrès se sont vite fait sentir, avec le plus important, la fièvre a disparu, ça vous change un homme. Dès lors j’ai pu reprendre des forces, de l’énergie, j’ai réussi à manger, et j’ai vite senti qu’attendre jusqu’à lundi serait un peu long. J’ai pu obtenir du transporteur que le voyage soit avancé à samedi, et j’ai pu annuler sans frais les deux dernières nuits dans mon hébergement actuel. Si jeudi a été peu actif, vendredi j’ai pu sortir à nouveau, faire quelques photos de Semey, me rendre compte qu’il y a le même centre de soins Wellness Arasan qu’à Almaty, avec la même salle de torture, que je me suis bien gardé d’approcher.
Deux infos coup sur coup m’ont appris que des gens font le trajet à vélo dans l’autre sens, depuis la Chine, jusque la Belgique. Première info venue du représentant de la province de Jangsu, qui m’a envoyé la vidéo à laquelle j’ai participé, et dont j’ai mieux compris le contenu: des jeunes vont pédaler le long des canaux, entre cette province et Bruxelles. Et puis un belge d’origine chinoise, Xiao Long, qui est mon voisin d’article dans la revue de Cyclocamping International (qui me gratifie d’un joli titre), est en route depuis la Chine pour rejoindre Bruxelles, et se trouve actuellement à Urumqi, ville que je devrais traverser prochainement. Je tente dès lors le contact pour qu’on puisse se croiser.
Ce samedi matin, je suis prêt à l’heure pour la restitution du logement. La cohôte de Léonid récupère les clés, puis je vois qu’elle attend. Je crois comprendre qu’elle est inquiète de savoir si le transporteur que j’ai réservé via l’application InDrive est fiable. Elle restera jusqu’à avoir une conversation avec lui, et se rendre compte qu’ils ont des amis en commun.
La journée de transfert peut donc commencer. C’est une journée que je n’aime pas, parce que déjà, faire de la route, en voiture ou en camionnette, ça me gonfle. Mais en plus, à chaque fois, on ne sait pas quel véhicule ce sera, dans quel état il sera, comment seront les points d’attache pour bien fixer le vélo, ni trop fort, ni trop faiblement, comment sera la route, comment sera la conduite. De plus, ce 6ème transfert est le premier contraint et non choisi. Mais bon, il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur, et j’en appelle à monsieur Zen pour positiver la journée.
Mon chauffeur, Bekzat, est un jeune Kazakh qui baragouine l’anglais, qui aime dialoguer et qui est très serviable. On discute beaucoup en chemin. Il est 28 jours en Iran pour une société Kazakh de travaux routiers (5h de train jusqu’Almaty, 5 heures d’avion, puis 5 heures de bus…), puis rentre 28 jours au Kazakhstan, près de sa famille a Semey où il fait divers boulots, dont transporteur. Vers 13h, lors d’un arrêt, il fait de grandes ablutions au départ d’un jerrycan posé au cul de la camionnette, repère les points cardinaux, et sort une plaque de frigolite accrochée à une paroi. C’est le moment de sa prière, tourné vers la Mecque, pas longue, mais visiblement profonde. Au final, il ne se contentera pas de me conduire jusqu’au bout, il m’aidera à négocier avec l’hôtelière, qui n’avait pas enregistré ma réservation faite sans prépayement, parce que j’avais dialogué avec quelqu’un d’autre, et il m’a arrangé le coup, puis il m’a aidé à transporter tous mes bagages, et pendant qu’il mangeait un bout, me proposait même de venir et de m’aider à traduire le menu. À ce moment-là, j’étais sous la douche, je ne l’ai pas rejoint. Il a terminé par me dire que si j’avais des problèmes dans les deux derniers jours que je passe au Kazakhstan, je pouvais l’appeler, non pas pour qu’il refasse les 500 km, mais parce qu’il a des connaissances dans le coin. Voilà pour ce sympathique chauffeur.
Parlons maintenant du véhicule. Celui-ci n’est pas de première jeunesse, et la photo qu’il m’avait envoyée la veille pour s’excuser de ne pas avoir répondu à un message rapidement, qui était une photo du véhicule capot ouvert, ne m’avait déjà pas inspiré confiance, j’en ai la confirmation lorsque d’entrée de jeu il me dit qu’il vient d’être révisé. Il y a un hélicoptère miniature sur le tableau de bord, solaire, dont les pales tournent en continu. Mais nous on ne vole pas: la limite est 100 km/h, nous on plafonne à 80. Les seuls dépassements, c’est sur les vieux camions Kamaz qui vont à 60 max. Plus loin, il me dira qu’il roule autant au diesel qu’au gaz, qui entre parenthèses coûte ici 35 centimes le litre, mais que comme le moteur a été réparé, il doit faire 1000 km au diesel. Au kilomètre 190, sur 520, un témoin s’allume et ça semble l’inquiéter. Il ouvre le capot une première fois, mais il remonte en disant « it’s ok ». On continue, le témoin est toujours allumé, il ouvre le capot une deuxième fois, il change une pièce dont la remplaçante se trouvait dans le vide-poche. On repart, et puis de nouveau, le témoin s’allume, il ouvre le capot et revient avec un fusible. Je ne sais trop si c’est le fusible qui permettra que le témoin ne s’allume plus, ou si c’est le fusible qu’il a remplacé, qui a permis de régler la situation et qui donc permettra que le témoin ne s’allume plus. Mais on continue à avancer. Il me dit qu’il a un ami avec la même camionnette qui part de la ville d’Urzhar qui est notre destination pour revenir sur Semey, qu’on va le croiser. Effectivement une dizaine de kilomètres plus loin, ils se repèrent et on s’arrête, et les voilà tous les deux le nez sous le capot. Comme à chaque fois, il remonte et dit « tout est ok ». A un kilomètre de l’hôtel, un bruit sec se fait entendre, il arrête immédiatement, met les quatre clignotants et il va de nouveau voir sous le capot, rien n’est identifié. Il remonte en disant « tout est ok ». Ce qui est sûr par contre, c’est que l’embrayage d’une part et les amortisseurs d’autre part sont très loin. Au point que ma montre capte les sursauts sur la route comme autant de pas. Elle m’annonce que j’en ai fait aujourd’hui 26 000 (assis dans la camionnette), soit plus de 31 kilomètres à pied, et que j’ai monté 55 étages ! Je suis bien content que ce véhicule ait tenu jusqu’Urzhar.
Après le chauffeur et le véhicule, les paysages. Le long de cette route divisée en trois tronçons. Le premier de 120 kilomètres jusque Kabaltao, une route très bonne, puis à droite toute pour prendre l’A3, qui relie sur un millier de kilomètres Oskemen et Almaty, qui est un véritable billard, puis, a 70 kms de l’arrivée à gauche l’A8 vers la frontière, qui n’est une mauvaise route que dans de très rares tronçons. Je regrette vraiment de ne pas avoir fait ces kilomètres a vélo. Les paysages, donc, vont terriblement évoluer. Au début, c’est la steppe aride, toute plate, jaunâtre, comme celle que je connais depuis Pavlodar. Puis petit à petit, cela va devenir une steppe verdoyante, dans un décor plus vallonné, avec même ce qu’on dirait être de la lavande sauvage. Et cette fois, au loin, on voit des montagnes. On découvre aussi davantage de yourtes, toujours ces plaques annonçant les villages de façon originale et multicolore, ces cimetières et ces monuments, puis pour la première fois des éoliennes, ou un champ de course de chevaux.
Avec ce transfert, j’ai récupéré les 4 jours perdus, et j’en ai même gagné 1, étant à la fin de l’etape prévue 5 de 6.
Une bonne nuit et demain, je reprends la route sur le vélo, la 6ème etape sera divisée en 2 pour y aller mollo.
Ça sent la Chine. J’ai vu aujourd’hui le premier camion avec une immatriculation chinoise.
Photos sur Polarsteps
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